Les Clés – “Bart De Wever est-il devenu Belgicain ?”
Podcast : Les Clés | RTBF
Date : 8 décembre 2025
Host : Arnaud Ruyssen
Invités principaux : Carol Verhoeven (rédacteur en chef du Standard), Baptiste Tupin (journaliste RTBF), Sarah Poussey (préparation)
➤ Résumé général
Cet épisode de “Les Clés” s'intéresse à la transformation politique (ou “mue”) de Bart De Wever, leader de la N-VA et désormais Premier ministre de la Belgique. Autrement dit : l’homme fort du nationalisme flamand est-il devenu le “Premier ministre de tous les Belges” ? Ou s’agit-il d’une inflexion tactique, le nationalisme flamand prenant aujourd'hui une autre voie ? Au travers d’extraits de ses récents discours, d’analyses journalistiques et de retours du terrain, l’épisode explore les ressorts et les limites de cette évolution, en mettant en lumière le positionnement actuel de Bart De Wever vis-à-vis de la Belgique fédérale, de la Flandre et du nationalisme.
➤ Points clés et structure de l’épisode
1. Introduction : Le paradoxe Bart De Wever
- [00:19] Contexte : Bart De Wever, parti d’un nationalisme séparatiste flamand, est aujourd’hui Premier ministre fédéral.
- Questions-clés :
- A-t-il vraiment abandonné ses rêves indépendantistes ?
- Nouveau rôle ou nouvelle stratégie pour la même finalité ?
2. De Wever face aux francophones : conférence marquante à Bruxelles
- [00:48 – 03:49]
- Extrait : Discours en français, autocritique sur son bilinguisme :
“Ce n’est pas mon point fort. J’ai honte de ne pas être parfaitement bilingue.” – Bart De Wever [01:12]
- Sujet de la conférence : Situation décroissante des finances publiques – nécessité de réformes.
- Réactions du public : Standing ovation, réactions positives inattendues d’un public plutôt bourgeois et francophone.
“C’est très impressionnant. Pourquoi ? Parce que c’est un monsieur intelligent et qu’il ne fait pas des bouffes, il appelle un chat un chat.” – Spectateur [03:19]
- Extrait : Discours en français, autocritique sur son bilinguisme :
- Analyse : Rupture avec l’image négative entretenue par le passé.
3. Rappel historique : le nationalisme à l’ère De Wever
- [04:02 – 06:50]
- Anciens épisodes :
- Opérations médiatiques contre les transferts financiers nord-sud.
- Blocages institutionnels revendiqués avec satisfaction.
“Plus de séparatistes en Flandre… C’est une période bonne pour moi.” – Bart De Wever (archive) [04:34]
- Propos provocateurs envers les Wallons et ambiguïtés vis-à-vis de l’extrême droite (Vlaams Belang).
- Évolution récente :
- Rejet explicite d’alliance avec Vlaams Belang.
- “Costume” de gestionnaire responsable et Premier ministre jurant fidélité au Roi et aux lois.
- Déclaration de fidélité à “l’ADN politique” flamand, mais volonté “rationnelle” de servir la Flandre via le fédéral.
- Anciens épisodes :
4. Débat d’analystes : crédibilité, style et changement stratégique
- [07:23 – 10:48]
- Invité : Carol Verhoeven (Standart)
- Surprise de la standing ovation, conquête d’un public historiquement éloigné du nationalisme flamand.
- De Wever perçu comme “homme sérieux”, capable de rassurer et d’incarner l’homme d’État.
“Il joue maintenant dans un niveau de Dahan, grand homme d'État. Il s'est libéré de beaucoup de ses complexes.” – Carol Verhoeven [09:36]
- Transformation du style :
- Moins cassant, plus rassembleur, posture de vainqueur après des années de posture victimaire.
- Filialité avec Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre chrétien-démocrate, non pas sur l’idéologie mais “statue d’homme d’État”.
“C’est sa place dans l’histoire qui est importante.” – Carol Verhoeven [10:32]
- Invité : Carol Verhoeven (Standart)
5. La ‘mue’ vue par la presse politique
- [10:48 – 15:22]
- Invité : Baptiste Tupin (RTBF)
- Le public séduit lors de la conférence : bourgeois, centre-droit, “pas beaucoup d’électeurs PS dans la salle.”
- Changement structurel des soutiens francophones à la nouvelle majorité fédérale, rendant la critique difficile.
- Évolution de De Wever : du polémiste provocateur à l’homme d’État rassurant, notamment par la rupture de toute ambiguïté vis-à-vis du Vlaams Belang.
“Bardo Wever est capable de réinventer son personnage très régulièrement.” – Baptiste Tupin [13:19]
- Invité : Baptiste Tupin (RTBF)
6. La stratégie fédérale : servir la Flandre depuis Bruxelles
- [15:22 – 18:33]
- Contexte post-électoral :
- De Wever choisit de gouverner sans le Vlaams Belang, faute de majorité suffisante pour la réforme de l’État.
- Majorité avec le MR et Les Engagés, ce qui lui permet d’appliquer un programme socio-économique proche des attentes flamandes.
- Interprétation par Verhoeven :
- Son “grand soulagement” est d’avoir battu Vlaams Belang:
“C’est une mission historique pour lui aussi.” – Carol Verhoeven [17:14]
- Son “grand soulagement” est d’avoir battu Vlaams Belang:
- Contexte post-électoral :
7. Le nationalisme, toujours présent mais plus subtil
- [17:41 – 22:16]
- Bart De Wever a-t-il définitivement tourné le dos à l’indépendantisme ?
- Réponse nuancée : opportunisme politique, adaptation aux circonstances.
- Il poursuit des réformes structurelles profitant à la Flandre, parfois sous un vernis technocratique.
“Il a bien changé de but, son but politique, le but de son parti a fondamentalement changé. Il faut voir dans quatre ans…” – Carol Verhoeven [17:41]
- Réformes socio-économiques comme levier communautaire :
- Suppression du Sénat, mesures favorables à la Flandre (chômage, allocations).
- Effet concret : les réformes touchent plus fortement Wallonie et Bruxelles, ce qui permet à la Flandre de bénéficier d’un transfert inversé.
“Sur les 100 communes les plus touchées par cette réforme, 100 sont wallonnes et bruxelloises.” – Baptiste Tupin [20:16]
- Langage à géométrie variable :
- Certaines mesures reconnues comme “communautaires” en néerlandais, mais pas en francophone.
- Bart De Wever a-t-il définitivement tourné le dos à l’indépendantisme ?
8. L’ombre de l’orangisme : fascination pour les Pays-Bas
- [22:16 – 25:55]
- Présenté par Sarah Poussey :
- De Wever voit l’union avec les Pays-Bas comme “le rêve perdu” (orangisme), posture plus intellectuelle que politique aujourd’hui.
“Si je pouvais mourir en tant que Néerlandais du sud, je mourrais plus heureux qu'en tant que belge.” – Bart De Wever (2021) [22:25]
- Toujours fidèle à cette vision, même s’il admet que la fonction ministérielle impose la réserve publique.
“Je ne changerai jamais de conviction. J’ai seulement changé de fonction.” – Bart De Wever [23:34]
- Interprétation :
- Aucun “partenaire” aux Pays-Bas partageant ce rêve, posture purement symbolique d’historien et d’Anversois.
- Allusion au Benelux comme puissance centrale européenne, plus projet économique que politique indépendantiste.
“Il n’y a pas de partenaire aux Pays-Bas pour discuter là. Ils disent : mais c’est quoi ce rêve orangiste ?” – Carol Verhoeven [25:43]
- Présenté par Sarah Poussey :
9. Conclusion : Mue ou déguisement ?
- [26:31 – 27:19]
- La trajectoire de Bart De Wever reste ambivalente :
- Animal politique difficile à cerner.
- Plusieurs “mues” successives pour s’adapter aux contextes, sans jamais trahir son ADN nationaliste flamand.
- Question ouverte : deviendra-t-il un homme d’État belge “à la Jean-Luc Dehaene”, ou ce pragmatisme n’est-il qu’une nouvelle phase pour servir la Flandre ?
“Aujourd’hui, la Belgique est le meilleur véhicule qu’il a trouvé pour servir les intérêts des Flamands. L’avenir le dira sans doute.” – Arnaud Ruyssen [26:31]
- La trajectoire de Bart De Wever reste ambivalente :
➤ Timestamps Mémorables & Citations
- [01:12] Bart De Wever : “Je dois avouer que ce n’est pas mon point fort. J’ai honte de ne pas être parfaitement bilingue.”
- [03:19] Spectateur francophone : “C’est très impressionnant. Pourquoi ? Parce que c’est un monsieur intelligent et qu’il ne fait pas des bouffes. Il appelle un chat un chat.”
- [05:31] Bart De Wever : “La politique c’est l’art du possible et non du souhaitable… si on est capable de servir son peuple au niveau fédéral, il faut le faire.”
- [09:36] Carol Verhoeven : “Il est maintenant le vainqueur. Il est un homme et un Premier ministre avec du pouvoir."
- [13:19] Baptiste Tupin : “Bardo Weaver est capable de réinventer son personnage très régulièrement.”
- [17:14] Carol Verhoeven : “C’est une mission historique pour lui aussi.”
- [20:16] Baptiste Tupin : “Sur les 100 communes les plus touchées par cette réforme, 100 sont wallonnes et bruxelloises.”
- [22:25] Citation De Wever (2021) : “Si je pouvais mourir en tant que Néerlandais du sud, je mourrais plus heureux qu’en tant que belge.”
- [23:34] Bart De Wever : “Je ne changerai jamais de conviction. J’ai seulement changé de fonction.”
- [25:43] Carol Verhoeven : “Il n’y a pas de partenaire aux Pays-Bas pour discuter là. Ils disent : mais c’est quoi ce rêve orangiste ?”
- [26:31] Arnaud Ruyssen (conclusion) : “Aujourd’hui, la Belgique est le meilleur véhicule qu’il a trouvé pour servir les intérêts des Flamands. L’avenir le dira sans doute.”
➤ Synthèse finale
Bart De Wever incarne une métamorphose politique aussi spectaculaire que stratégique. S’il semble aujourd’hui accepté comme homme d’État belge – et même “premier ministre idéal” par une partie des francophones –, sa fidélité à l’idéal flamand n’a pas disparu, mais s’exprime dans de nouveaux habits institutionnels et technocratiques. Sa “belgicanisation” est moins une conversion qu’une adaptation opportune, aussi à l’aise dans les habits du pragmatisme que dans ceux du nationaliste, selon l’intérêt du moment. Impossible encore de dire si le costume d’homme d’État “belge” lui collera à la peau : tout dépendra des prochaines circonstances et des opportunités.
