Les Clés — Épisode du 18 décembre 2025
Médias : pourquoi tant de licenciements dans les médias ?
Vue d’ensemble de l’épisode
Dans cet épisode spécial de "Les Clés" animé par Arnaud Ruyssen, l’équipe ouvre le dossier brûlant des licenciements massifs qui secouent actuellement les médias francophones en Belgique. En pleine période de fêtes, le climat est loin d’être à la célébration, alors que les annonces de plans sociaux, de restructurations et de chômage économique se multiplient. L’émission, fidèle à son ambition d’éclairer l’actualité, scrute les racines de cette crise qui touche aussi bien la presse écrite qu’audiovisuelle à travers les témoignages de journalistes, dirigeants et représentants syndicaux.
Points Clés et Temps Forts
1. Contexte général et dégradation du secteur (00:07, 01:36)
- Crise multidimensionnelle : Économique, confiance, moyens, modèle d’affaires obsolète sous pression numérique.
- Exemples récents :
- Chômage technique annoncé à L’Avenir.
- Licenciement de figures phares à LN24 et BX1.
- Réductions de budget chez RTL et RTBF.
- Citation marquante :
"On ne peut pas sacrifier la qualité de l'information." — Hôte (00:07) "Aujourd'hui, le journalisme traverse une crise profonde." — Denis Pirard (01:36)
2. Témoignages et réactions du terrain
L'Avenir, IPM et la fusion Rossel (05:25–06:08, 06:53–14:26)
- Anne Sandron (journaliste, L’Avenir, déléguée CNE) expose le malaise des équipes et la lassitude devant la succession de mauvaises nouvelles et l’incertitude sur l’avenir.
- Denis Pirard (DG IPM) détaille la logique de la fusion avec Rossel, met en avant la nécessité de préserver la trésorerie, justifie la mise en chômage économique et admet que les synergies à venir signifieront des réductions d’effectifs.
"Synergie, ça veut dire licenciement à terme ? Il y aura des ajustements sur l'emploi, oui, on ne s'en cache pas." — Denis Pirard (10:02)
- Facteurs évoqués par Denis Pirard :
- Baisse structurelle des revenus pub et vente, concurrence des géants du web.
- Nécessité d’investissements technologiques (IA).
- Défense de la concentration des médias comme seule façon de garantir le pluralisme demain :
"Ce n'est pas parce que tous les médias sont réunis au sein d'un même actionnariat qu'il y a une perte de pluralisme. Je crois qu’au contraire, le pluralisme se trouvera si on se retrouve dans une organisation qui est financièrement forte." — Denis Pirard (12:27)
- Constat réaliste :
"C’est la faute de modifications dans les habitudes de lecture du consommateur d’aller chercher leurs informations ailleurs… ce n’est pas parce qu’on fait tous collectivement du mauvais travail." — Denis Pirard (13:40)
Dimensions vécues côté journalistes (15:22–17:14)
- Anne Sandron s’inquiète pour la place des jeunes (précarité accrue), la disparition du journalisme de contact local et la crainte d’une absorption de L’Avenir par Sudinfo dans le cadre de la fusion.
"Les jeunes sont indépendants, ils ont des conditions de vie très compliquées, ils gagnent très peu d'argent, ils ne sont pas liés par des contrats, par des conventions de collaboration, et ils peuvent se retrouver du jour au lendemain presque sans travail." — Anne Sandron (15:22) "On ne sait pas à quelle sauce on va être mangé." — Anne Sandron (17:14)
3. Autres exemples : BX1 sous tension (17:27–20:05)
-
Reportage d’Anne-Sophie Brundonckx et Muriel Berck (journalistes BX1 victimes du plan social). Choc brutal d’un licenciement touchant plus d’un quart de la rédaction, visant avant tout les journalistes « historiques » avec des statuts plus coûteux.
"On nous accueille le lundi avec des croissants et le mardi avec des licenciements." — Muriel Berck (18:15)
-
Plans sociaux qui visent également à revoir la convention collective, augmentation de la charge de travail attendue, perte d’expérience et peur pour l’avenir du média.
"Ces cinq journalistes chevronnés, ce sont des images de l’antenne, des décennies d’expérience journalistique qui s’en vont." — Muriel Berck (18:30)
4. Analyse : structurelles ou conjoncturelles ? (20:41–24:53)
- Gilles Tennyson (AJP) met en lumière la précarité exacerbée des journalistes indépendants et l’impact cumulé des réformes politiques (arrêt des aides à la distribution, fiscalité des droits d’auteur), la fragilité des modèles économiques tous supports confondus, et l’amplification de la crise par la baisse du financement public.
"Il faut se rendre compte qu’il y a certains journalistes indépendants qui sont payés dans certaines rédactions 110 euros bruts par jour. En net, on a du 7 euros de l’heure. C’est absolument intenable." — Gilles Tennyson (22:21) "Il y a une grande fragilisation du secteur, que ce soit la presse écrite, mais aussi les médias audiovisuels." — Gilles Tennyson (21:55)
- Cercles vicieux : moins de moyens = moins de contenus = érosion de l’audience = encore moins de moyens.
"Il existe des agences qui peuvent fournir du contenu à moindre coût, mais alors ce sera une uniformisation… tout sera pareil partout." — Anne Sandron (23:35) "Moins de journalistes, concrètement, ça veut dire moins de sujets traités." — Host (23:16)
5. Quelles solutions, quel rôle du public ? (24:14–24:50)
- Appel à l’engagement citoyen :
- S’abonner aux médias pour les soutenir.
- Comprendre le métier de journaliste et le rôle de la déontologie.
"Déjà, consommer la presse qui existe pour l’instant, s’abonner… S’informer, aussi, sur ce que c’est le journalisme professionnel." — Gilles Tennyson (24:14) "Il y a un label qualité qu’il faut respecter, qu’il faut bien connaître, et qu’on retrouve justement dans ces médias qui sont en train de se fragiliser." — Host (24:59)
Memorable Moments & Notable Quotes
00:00
Gilles Tennyson : "Si on n’existe plus, c’est l’information qui va y perdre."
02:23
Emmanuel Huilput (syndicat L’Avenir) : "On a l’impression que la direction va à la tronçonneuse… on a été assez constructifs et raisonnables, pragmatiques. Mais là, ça nous semble quand même nettement trop brutal."
10:02
Denis Pirard : "Il y aura des ajustements sur l'emploi, oui, on ne s'en cache pas, et ça a été dit."
18:15
Muriel Berck (BX1) : "On nous accueille le lundi avec des croissants et le mardi avec des licenciements."
22:21
Gilles Tennyson : "Certains journalistes indépendants sont payés… 110 euros bruts par jour… en net on a du 7 euros de l’heure. C’est absolument intenable."
Timestamps des segments clés
- Introduction et état des lieux : 00:00–04:18
- Témoignages L’Avenir / IPM : 05:25–14:26
- Question de la fusion et pluralisme : 12:27–14:26
- L’Avenir — vécu de la rédaction : 15:22–17:14
- Reportage BX1 : 17:27–20:05
- Analyse structurelle, GAFAM, droits d’auteur : 20:41–24:14
- Appel à l’action citoyenne : 24:14–24:53
Conclusion
L’émission "Les Clés" consacre ici un panorama inquiétant mais lucide à la situation des médias francophones en Belgique. Les causes sont multiples : crise économique, transformation numérique, mutations des modes de consommation de l’information, recul du soutien politique et pressions sur l’emploi. Derrière les restructurations s’esquisse un risque profond pour la diversité et la qualité de l’information, ainsi que la viabilité du journalisme de proximité. Les solutions ne sont pas immédiates, mais la soutenabilité des médias demeure aussi un enjeu citoyen.
Participants principaux :
- Arnaud Ruyssen (hôte)
- Anne Sandron (journaliste L’Avenir, déléguée CNE)
- Gilles Tennyson (juriste, AJP)
- Denis Pirard (CEO IPM)
- Muriel Berck (BX1)
- Anne-Sophie Brundonckx (reportage)
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