Les Clés – Pourquoi la santé mentale des ados ne cesse de se dégrader
Date: 25 novembre 2025
Host: Arnaud Ruyssen (RTBF)
Invités:
- Sophie Mas, pédopsychiatre et cheffe de l’équipe Grands Ados à Brustar, Bruxelles
- Soleymane Lagdime, délégué général aux droits de l’enfant de la Fédération Wallonie-Bruxelles
- Jeunes représentants, témoins
1. Vue d’ensemble de l’épisode
Cet épisode de « Les Clés » analyse l’état préoccupant de la santé mentale des adolescents. S’appuyant sur un rapport du délégué général aux droits de l’enfant, l’émission explore l’ampleur de la détresse psychique chez les jeunes, identifie les causes profondes — sociales, économiques et sociétales — et propose pistes de réflexion et solutions concrètes pour enrayer la dégradation du bien-être adolescent.
2. Points de discussion clés et enseignements
a. Chiffres alarmants, sentiment d’urgence
- 37 % des jeunes déclarent des difficultés psychologiques (00:00)
- 16 % présentent un trouble psychique avéré ; 10 % d’entre eux feront une tentative de suicide ou s’auto-mutileront (01:34)
- « Les indicateurs sont alarmants. Je pense qu’on n’est pas loin d’une épidémie de santé mentale. » — Soleymane Lagdime (00:12)
b. Témoignages d’adolescents : Stresses et besoins
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Pression scolaire et accès libre aux substances soulignés par les représentants jeunes (00:55)
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Demande explicite : ne pas réduire les allocations familiales, vitales pour le bien-être (00:55)
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Frustration liée à la comparaison sur les réseaux sociaux, le sentiment de jalousie et d’insuffisance (03:19)
« On voit sur Internet quelqu’un qui a plus… Du coup on est frustrés… Ça peut être très grave, parce que ça nous submerge, et on se sent mal. » — Représentant adolescent (03:19)
c. Facteurs aggravants contemporains
- Crises multiples : guerre, climat, inflation, société anxiogène (04:00 – 04:24)
- Isolement croissant malgré sur-exposition numérique
- Érosion du collectif : autrefois, la manifestation pouvait servir d’exutoire et de source de résilience, aujourd’hui ce vecteur s’est tari (08:31 – 09:53)
- « Nous avons beaucoup de jeunes qui ont de grandes difficultés à garder encore espoir… » — Sophie Mas (08:31)
d. Causes structurelles et société malade
- Individualisme, matérialisme, délitement des solidarités
- Manque de perspectives économiques et sociales : diplôme ≠ emploi stable, logement inaccessible, avenir climatique bouché (11:13 – 12:50)
- Impossibilité pour les adolescents de se projeter sereinement
e. Santé mentale et précarité : un engrenage
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Forte corrélation pauvreté — détresse psychique : familles monoparentales, exil, handicap, genre, LGBTQIA+…
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L’expérience de la rue, entre autres, aggrave la santé mentale (13:36 – 16:11)
« Comment voulez-vous qu’un enfant qui se retrouve à la rue, qui voit ses parents dans cette situation, soit apaisé au niveau de son psychisme ? » — Soleymane Lagdime (13:36)
f. Manque de solutions et moyens institutionnels
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Structures de soins (ambulatoires, hospitalières) saturées, délais trop longs même pour les cas graves (21:21 – 22:19)
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Sous-investissement chronique de la santé mentale
« Nous n’avons pas la possibilité de soigner aujourd’hui. Toutes les structures ambulatoires et hospitalières sont débordées. » — Sophie Mas (21:30)
g. Pistes de solutions & recommandations
- Prévention : agir avant la crise, créer un “masterplan” sur plusieurs législatures (13:36)
- Logement et revenu décent comme socle de bien-être (13:36 – 15:43)
- Renforcer le collectif et la résilience réelle :
- Redonner du temps, du lien, réduire les facteurs de stress (17:16)
- Critique de l’utilisation néolibérale du concept de résilience (18:30)
- Attention aux bulles algorithmiques et impacts négatifs du numérique pour les jeunes en détresse (18:30 – 20:56)
h. Le rôle clé de l’école
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L’école comme nœud central pour le bien-être : aujourd’hui lieu de compétition et d’inégalités (24:08)
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Nécessité de programmes pérennes sur le bien-être, de formation des enseignants, et d’espaces d’écoute véritables (25:21 – 25:30)
« Ce qui est nécessaire… ce sont des groupes de jeunes qui vont pouvoir expérimenter, vivre des choses ensemble, ce qui leur permet d’en parler, de partager leurs émotions. » — Sophie Mas (25:30)
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L’école doit redevenir un lieu d’apprentissage du vivre-ensemble, essentiel pour la santé mentale et la démocratie (25:30 – 26:59)
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Favoriser la participation réelle des élèves, non plus symbolique (26:59 – 27:40)
i. L’importance du collectif à l’adolescence
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Les adolescents ont un « appareil à penser groupal » : la pensée et l’expression du mal-être émergent dans l’interaction avec les pairs, non simplement via l’introspection individuelle (27:40 – 29:05)
« Il leur suffisait de réintégrer un groupe de jeunes pendant 3-4 jours pour pouvoir recommencer à expliquer ce qui se passait pour eux. » — Sophie Mas (27:40)
3. Citations marquantes
- Soleymane Lagdime (00:12) :
« Je pense qu'on n'est pas loin d'une épidémie de santé mentale. » - Sophie Mas (08:02) :
« On atteint entre 25 et 50 % de troubles anxieux dépressifs chez les 13-25 ans, je pense qu'on peut effectivement parler d'épidémie. » - Jeune représentant (03:19):
« Ça nous submerge, on est frustrés, on se sent mal. » - Sophie Mas (17:16) :
« Les conditions de la résilience, c’est d’avoir d’abord du temps, du lien… et de diminuer les facteurs de stress. » - Soleymane Lagdime (13:36) :
« Pour agir sur le mal-être, il faut du bien-être… il faut avoir des politiques sociales ambitieuses. »
4. Timestamps des moments-clés
| Timestamp | Segment/Moment Important | |-----------|---------------------------------------------------------------| | 00:00 | Données chocs sur la santé mentale chez les jeunes | | 00:51 | Avis et recommandations urgentes de jeunes | | 03:19 | Témoignage sur la frustration liée à la comparaison/réseaux | | 04:00-04:24| Les “nouvelles” angoisses collectives : guerre, climat, isolement | | 08:02 | Taux d’anxiété-dépression — “épidémie” selon Sophie Mas | | 10:39 | Pourquoi aujourd’hui ? Les causes plus structurelles | | 13:36 | Interdépendance pauvreté — santé mentale, solutions structurelles | | 17:16 | Définition et conditions réelles de la résilience | | 21:30 | Saturation des hôpitaux et manque de prises en charge | | 24:19 | Centralité de l’école et critique de son fonctionnement actuel | | 26:59 | Nécessité de participation réelle des jeunes à l’école | | 27:40 | Besoin vital du groupe chez les ados, “appareil à penser groupal” |
5. Ton & style originaux
L’épisode mélange expertise clinique, analyses de terrain et témoignages directs de jeunes, avec gravité, empathie et souci d’un langage compréhensif, souvent alarmé mais jamais résigné. Le ton, à la fois engagé et pragmatique, vise la sensibilisation sans catastrophisme gratuit, insistant sur la nécessité de solutions structurelles, collectives et durables.
6. Conclusion
L’émission montre que la dégradation de la santé mentale adolescente en Belgique est le symptôme d’un malaise sociétal bien plus profond. Solutions ponctuelles insuffisantes : ce qu'il faut, c’est reconfigurer nos modèles scolaires, sociaux et économiques, refonder la solidarité et restaurer la possibilité pour chacun — surtout les plus jeunes — de se projeter dans l’avenir.
A retenir : agir d’urgence, sur plusieurs fronts, en particulier la prévention, la lutte contre la pauvreté et la refonte profonde de l’école, tout en redonnant aux adolescents leur voix et leur pouvoir d’agir collectif.
Pour aller plus loin : consultez le rapport annuel du Délégué général aux droits de l’enfant, particulièrement riche en témoignages de jeunes et recommandations structurelles.
