Les Couilles sur la table – “Sex-symbols : ces mecs qu’on fantasme (2/2)”
Podcast de Binge Audio, diffusé le 30 octobre 2025
Animé par Thalma Desta, avec la chercheuse Hélène Fisch
Résumé détaillé par segments et thématiques
1. Introduction et Présentation du Thème
- L’épisode prolonge la réflexion sur ce que les sex-symbols masculins révèlent de la construction des masculinités idéales.
- Axé sur l’émergence de nouveaux modèles : stars comme Timothée Chalamet, Harry Styles ou Pedro Pascal qui semblent briser les vieux codes de la virilité traditionnelle.
- Question centrale : assistons-nous réellement à une révolution ou à une simple mutation de façade des modèles masculins désirables dans notre ère post-MeToo ?
« Est-ce qu’un Chalamet, un Harry Styles ou encore un Pedro Pascal permettent de proposer des nouveaux modèles positifs et désirables pour être un homme sans jouer à être le plus fort, le plus grand, le plus viril ? »
— Naomi Titi (02:12)
2. Virilité, Sex-symbols et Structures du Pouvoir
Sex-symbol, outil du patriarcat ? (03:01 – 07:58)
- Être réduit à un objet de désir pourrait sembler “déviriliser” les hommes, mais Hélène Fisch nuance fortement ce point.
- Elle montre que l’industrie du spectacle n’adopte que des figures masculines qui renforcent la domination masculine : les sex-symbols imposent une norme.
- Exemples historiques (Delon, Brando) : leur sexualisation maintient la domination masculine, parfois même en excluant les femmes du récit (polars masculins sans personnages féminins).
« Les sex-symbols performent tous d’une façon ou d’une autre la domination des femmes... Ils sont un très très bon outil de ce qu’on appelle la police du genre. »
— Hélène Fisch (04:20)
Le cas Alain Delon : virilité inquiète et exclusion des femmes
- Delon star des polars masculins, utilisé comme « homme-objet » pour se dispenser d’actrices à l’écran.
- Sexualisation comme outil narratif pour maintenir des codes masculins en surface.
« Dans Le Cercle Rouge, Alain Delon apparaît à l’écran dénudé, sexualisé, et il n’y a pas une seule femme dans ce polar-là. »
— Hélène Fisch (07:45)
3. Vulnérabilité Masculine et Désir Féminin
Le syndrome de l’homme blessé (07:58 – 13:02)
- Paradoxe : vulnérabilité mise en avant chez les sex-symbols (Delon, Brando, etc.), associée à l’idée qu’il pourrait être “sauvé” par une femme.
- Hélène Fisch analyse la persistance de cette image — forte dans la littérature (Mr Darcy, Heathcliff, Maxime de Winter) et à l’écran — comme liée à une construction patriarcale du désir féminin (syndrome de l’infirmière).
« On imagine assez bien comment, dans la réalité, vivre aux côtés d’un homme comme ça, blessé, qui ne parle pas, ça ne peut pas être très épanouissant. Mais pourtant, c’est quand même ça qu’on nous a appris à désirer. »
— Hélène Fisch (11:56)
4. Nouveaux Sex-symbols et Mutation des Normes
Short Kings, Skinny Kings et esthétique queer (13:02 – 17:08)
- Apparition de nouveaux critères : taille, androgynie, influence queer.
- Timothée Chalamet, Harry Styles, Tom Holland… De nouveaux modèles qui valorisent la confiance en soi et l’aisance dans la transgression des codes virils plutôt que la force brute.
- Importante distinction : ces éléments “queer” sont adoptés (et vidés de leur potentiel subversif) par des icônes hétéros, pour un public majoritairement féminin et libéral.
« On a des éléments de queérisation de certains sex-symbols… l’industrie du spectacle s’empare d’elles et en même temps, elle les vide de leur potentiel subversif. »
— Hélène Fisch (15:03)
5. Backlash, Queerbaiting et Politique du Sex-symbol
Entre récupération et contestation (17:08 – 24:10)
- Contexte paradoxal : explosion des politiques anti-LGBT aux États-Unis et émergence d’icônes “queerisées.”
- Fisch souligne que le “queerbaiting” (ex : Harry Styles) vise essentiellement les femmes hétéros libérales et les personnes queer, sans remettre en cause structurellement la norme hétérosexuelle.
- Les carrières et la vie privée des stars servent à baliser cette “queerness contrôlée”.
« Il ne pourrait pas accéder à un tel niveau de notoriété et de succès s’il ne performait pas, par ailleurs, de manière assez convaincante, l’hétérosexualité. »
— Hélène Fisch (21:52)
6. Pedro Pascal : Virilité, Alliés et Désir Politique
Le contre-exemple Pedro Pascal (24:10 – 31:12)
- Pascal se distingue par ses prises de position politiques (soutien aux trans, pro-Palestine, anti-expulsions US), alors que son image reste virile et mainstream.
- Fisch y voit l’apparition d’un nouveau critère de désirabilité : un homme “allié” qui utilise ses privilèges pour défendre des causes marginalisées.
- Contrairement à Chalamet (exemple d’évolution cosmétique), Pascal incarne un engagement authentique jugé “sexy” par une frange grandissante du public (notamment queer).
« Pedro Pascal… a pleinement conscience de ses privilèges et les utilise pour apporter son soutien à des groupes marginalisés… Le fait qu’il soit un allié est aujourd’hui promu comme un élément clé de sa désirabilité. »
— Hélène Fisch (27:15)
7. Sex-symbols et Capitalisme : Le cas Depp/Dior
Marchandisation des figures masculines (31:25 – 34:52)
- Analyse d’une publicité Dior avec Johnny Depp pendant le procès contre Amber Heard : exemple de backlash post-MeToo et de récupération mercantile d’une image d’homme violent.
- Les sex-symbols sont avant tout des produits de l’industrie du spectacle, vecteurs de valeurs et de fantasmes qui visent à vendre (tickets, produits dérivés, cosmétiques).
« Le sex-symbol, c’est une création du capitalisme à des fins mercantiles… La publicité cherche aussi à générer des débats et du scandale... Mais ces techniques de marketing, elles sont avant tout un reflet de la société qui les produit. »
— Hélène Fisch (33:06)
8. Pression de l’Apparence sur les Hommes
Nouveaux standards, nouveaux marchés (34:52 – 39:17)
- Le culte de l’apparence s’étend désormais nettement aux hommes (musculation, cosmétiques, coiffure, skincare…).
- Cette égalité dans la contrainte n’est pas une victoire féministe : elle ouvre surtout un nouveau marché et expose les jeunes hommes aux mêmes dangers (troubles alimentaires, etc.) que les jeunes filles.
- La vogue du “soin de soi” est aussi parfois reprise par des influenceurs masculinistes, détournée vers une injonction à la productivité et la performance.
« On est dans une pure logique de productivité, de rentabilité. »
— Hélène Fisch (37:11)
9. Regards Féminins, Désir et Objectification
Spectatrices et renversement du regard (40:18 – 42:21)
- Question de l’appropriation du “regard désirant” par les femmes : possibilité d'un female gaze, où le regard sur l’homme-objet ne se contente pas de singer le male gaze.
- Pour Hélène Fisch, tant que les modalités du désir restent construites par le patriarcat, même le fait de “sexualiser l’homme” n’est pas une vraie subversion.
« Peut-être qu’on pourrait se dire que le vrai progrès, ça va pas être pour les femmes de devenir des hommes qui regardent d’autres hommes... Et que le vrai female gaze, il serait là-dedans, dans l’introduction de la considération pour le sujet qu’on regarde. »
— Hélène Fisch (41:10)
10. Recommandations Culturelles
Livres et films à découvrir (42:21 – 44:46)
- Livre : “Respect” d’Hanouk Grimberg (2025), analyse l’inceste, les violences sexuelles et l’emprise, notamment dans sa relation avec Blier.
- Films :
- Thelma & Louise de Ridley Scott (1991) : enjeu du regard féminin sur l’homme-objet et avènement de Brad Pitt sex-symbol.
- La Leçon de Piano de Jane Campion (1993) : Harvey Keitel filmé comme objet de désir, premiers essais de female gaze.
- In The Cut de Jane Campion (2003), recommandé par Naomi Titi : “Une masterclass de cinéma féministe très avant-gardiste.”
11. Citations marquantes
Sur la mutation du sex-symbol
« Le patriarcat, c’est une structure de pouvoir et il est capable de s’adapter et de se réorganiser autour de nouveaux modèles. »
— Hélène Fisch, (30:19)
Sur la “victoire” féministe cosmétique
« C’est positif pour les hommes… mais ce n’est pas un progrès social pour les femmes. »
— Hélène Fisch, (39:24)
12. Conclusion : Le sex-symbol, toujours au service du patriarcat ?
- Si l’esthétique du sex-symbol évolue, la structure du désir et la domination masculine restent fondamentalement inchangées, à l’exception d’exemples comme Pedro Pascal qui ajoute une dimension politique à sa “sexyness”.
- Les représentations de la masculinité désirée s’adaptent pour survivre, digérant et recodant les éléments subversifs issus du féminisme ou des cultures queer, tout en nourrissant de nouveaux marchés.
- La voie d’un véritable progrès résiderait moins dans l’inversion des rôles que dans une révolution du regard et une attention nouvelle à l’autre sujet.
« Peut-être qu’un jour, on continuera à assister à une domination masculine sans virilité. »
— Hélène Fisch, (30:14 et 31:29)
Pour aller plus loin
Retrouvez toutes les références mentionnées sur la page de l’épisode chez Binge Audio.
Résumé réalisé par un expert à partir du transcript intégral.
